Paroles de Femmes
Arrivée de
la contraception
jeudi 1er avril 2010, par Frederic Praud
Ma génération a été gâtée au point
de vue évolution des droits de la femme sans compter que mon mari m’a toujours
poussée à m’extérioriser… Nous avons été les premières à pouvoir bénéficier des
droits de la femme surtout quand on compare notre situation avec celle de nos
mères. Mes grands parents et ma mère étaient instituteurs. Ma mère l’a été
jusqu’à son mariage. En se mariant, mes parents ont acheté une librairie
spécialisée dans le classique… Ma mère avait un certain statut social, une
certaine culture mais aucun dialogue en ce qui concernait la sexualité…
Née en 1928 près d’Angers, j’avais
un frère et aucune différence d’éducation n’a été faite entre le garçon et la
fille… Nous avons fait les mêmes études, un bac philo.. La seule différence fut
au moment de notre adolescence où mon frère avait le droit de sortir et pas
moi. Mon père a souhaité que je fasse des études de secrétariat…. avant de
tenir la librairie avec ma mère quand il est décédé.
En me mariant, je viens à Paris en 1950. Je commence par un travail de secrétariat
dans la société de mon mari, alors sous-directeur dans une entreprise de
transport. Deux garçons naissent, le
premier en 1955, le second en 1960. J’arrête de travailler et m’occupe d’eux.
J’ai eu la chance d’avoir un mari très avant-garde et par chance sa situation
me permettait de rester à la maison pour élever mes enfants. "Tu fais ce
que tu veux !"
J’avais eu de gros problèmes à la
naissance du deuxième et à ma demande, mon
médecin m’a donné en 1960 la première pilule contraceptive… un médecin
super… Ce fut une révélation pour moi. Nous avons pu vivre une vie de couple
beaucoup plus épanouie. Nous en parlions
un peu entre femmes, mais peu prenaient la pilule. Elles utilisaient la méthode
Ogino… et les maris ne les soutenaient pas tellement en ce domaine.
J’ai assisté aux premières journées de la femme, au VVF de Dourdan en
1970. On a fait venir des femmes journalistes qui ont réussi à verbaliser un
certain nombre de choses… Elles osaient le dire… et pourquoi pas moi ?
Cela a fait avancer les choses. Elle nous ont incité à nous remuer
L’engagement auprès des parents
d’élèves
Mon fils aîné était au niveau du
Lycée de garçons Arago. Je m’engage
auprès des associations de parents d’élèves à partir de 1966, à la fédération
Cornec. La mixité dans les lycées n’existait pas encore. Mon mari a
continué à me pousser dans cet engagement. J’ai commencé comme secrétaire du
président.
Arago était le seul établissement
parisien à avoir une coopérative scolaire. Le lycée achetait les livres que
nous louions aux familles. Je deviens responsable bénévole de la coopérative
scolaire ce qui me permet d’avoir un poids parmi les parents et de mieux
connaître certaines élèves que nous rémunérions pour faire les distributions de
livres. Un élève de 16/17 ans était alors très très mal vu dans le lycée, par
son absentéisme, sa dissipation. Il m’a un jour avoué qu’il haïssait les femmes
car sa mère battait son père handicapé… Il en était révolté et sa hantise était
les professeurs femmes. J’ai essayé d’arranger les choses auprès de
l’assistante sociale qui n’avait pas repéré cet enfant mal en point.
Peu de femmes étaient présentes dans ces associations de parents d’élèves
car en 1970, quand le père et la mère étaient dans l’association de parents
d’élèves, seuls les pères avaient le droit de vote. J’ai travaillé pour obtenir
le droit de vote aux deux parents si les deux travaillaient dans le comité de
parents d’élèves.
Ce fut une de mes premières satisfactions. Les hommes étaient plus nombreux à
siéger aux conseils de classes. Les femmes n’osaient pas, n’étaient pas
poussées. J’entendais dire, "non, non, Il y a les enfants à la maison et
elle est bien à la maison !"
On a essuyé les plâtres des premiers
conseils de classe en 66/68. Un grand nombre de parents venaient au conseil de
classe pour défendre leurs enfants, ce qui n’était pas le but. Il a également
fallu faire l’éducation des professeurs ! Les professeurs n’ont également
peu accepté les parents car ils ont toujours l’impression q’on va intervenir
dans leur pédagogie. Tout s’est fait petit à petit.
J’ai pensé qu’il fallait faire entrer l’information sexuelle au lycée.
Nous nous sommes adressés au planning familial en 1970. Nous avons fait entrer
le planning familial dans les classes avec l’accord du proviseur. On proposait
une information sur la sexualité d’abord pour les élèves de 3ème puis en
terminale. Nous avons fait passer un questionnaire aux parents pour qu’ils
donnent leur accord. Nous avons eu une réponse d’un père avocat pour son fils
de terminale : "non pour mon fils de 18 ans, inutile et
prématuré !" Les cathos ne voulaient pas. L’aumônier se disait tout à
fait apte à se charger de l’éducation sexuelle mieux que le planning familial.
La première année a été dure….
En 1974, le président de
l’association de parents d’élèves change et je prends sa succession. Soutenue
par le proviseur, je deviens alors présidente de l’association de parents
d’élèves dans un lycée de garçons… Je passe mais on me met 4 vice-présidents
hommes. Je me sentais trop encadrée…
Je deviendrai ensuite déléguée
départementale de l’Education Nationale pour garder un contact avec
l’enseignement, et obtiendrai les Palmes Académiques ce qui était anormal aux
yeux des professeurs. Elles étaient, en principe, réservées au corps
enseignant.
Les femmes sont petit à petit venues
avec leurs maris dans les associations de parents d’élèves et ont pris des
responsabilités, notamment les femmes professeurs. L’aumonerie avait une très mauvaise influence à savoir que les pères
avaient droit au chapitre et pas les mères.
Tout cet investissement s’est fait
avec le soutien de mon mari. Je n’aurais rien pu faire sans lui. Il m’a poussé
vers tout ça. On devait le trouver bizarre de faciliter ce type d’activité à sa
femme. Il se fait licencier en 1978 au bout de 32 ans de maison, lors des
premiers licenciements. Il n’a jamais retrouvé de travail…. et j’ai regretté de
ne pas avoir travaillé car j’aurais fait entrer un salaire dans la maison. J’ai
donc fait des petits boulots à 49 ans.
Mon mari décédé, je bénéficie de sa
caisse de retraite cadre et rentre dans sa caisse de retraite comme
vice-présidente du comité de pilotage du club de loisirs… Une femme devient vice-présidente
du comité de pilotage ! Les retraités sont en majorité des femmes mais
l’homme veut encore en conserver la tête. Le combat pour l’égalité et le statut
social continue encore à travers des luttes intestines, pour l’obtention de
place à responsabilité.
Notre génération a fait des
conquêtes qui ont stagné depuis un certain temps. La parité est venue mais tout
n’est pas au point…
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