Les figures du féminin à travers deux revues féminines, l’une catholique, l’autre protestante, La Femme dans la Vie Sociale et Jeunes Femmes, dans les années 1950-1960
de Mathilde Dubesset[*] [*] Maîtresse de conférences
PLAN DE L'ARTICLE
• La maternité au cœur du féminin
o « La mère ouvrière du progrès humain », un regard catholique résolument positif
o Entre « grâce » et « aliénation », interrogations protestantes
• Être célibataire ou les incertitudes du féminin
• Le couple, lieu de la rencontre du masculin/féminin
• Le féminin : des recompositions à l’œuvre
• Décalages... et convergences
Résumé
• Dans les années 1950-1960, des femmes, catholiques et protestantes, ont participé à l’évolution des représentations du féminin, à travers des revues comme La Femme dans la vie sociale, publiée par l’U.F.C.S. (catholique), et Jeunes Femmes, revue du mouvement protestant du même nom. Certes, la maternité demeure au cœur du féminin, surtout pour les catholiques, mais elle est désormais questionnée et ne rime plus avec le sacrifice de soi. De nouveaux horizons s’ouvrent, l’idée d’autonomie personnelle, au féminin, fait son chemin. Le célibat (plus propice à cette autonomie) suscite cependant des interrogations, surtout du côté protestant où l’on est très attaché à l’idéal du couple, lieu de la rencontre du féminin et du masculin. La réflexion sur la différence des sexes est plus poussée dans Jeunes Femmes où l’on parle de l’égalité entre les sexes, tandis que le thème de la complémentarité entre hommes et femmes revient souvent du côté des catholiques. Malgré leurs divergences (sur le « planning familial » par exemple) ces femmes ont en commun une vision du féminin synonyme d’initiative, d’action et de prise sur le monde, même si elles ne se reconnaissent guère dans le féminisme. Des protestantes et des catholiques ont, à leur manière, participé à la remise en cause du primat du masculin, événement majeur du XXe siècle.
Les années 1950-1960 ont été largement mises au jour par les travaux de Sylvie Chaperon sur les mouvements de femmes de 1945 à 1970 [1] [1] S. CHAPERON, Les années Beauvoir, 1945-1970, Paris, Fayard,...
suite, travaux s’appuyant essentiellement sur les revues des associations féminines et féministes de l’époque. Ces deux décennies, souvent présentées comme le « creux de la vague », apparaissent comme un temps où s’amorcent des transformations qui deviennent plus visibles au milieu des années 1960. Certes, il n’y a pas, dans cette période, d’apparition collective des femmes sur la scène publique comme au début du XXe siècle lors des mobilisations suffragistes [2] [2] L. KLEJMAN, F. ROCHEFORT, L’égalité en marche. Le féminisme...
suite puis dans les années 1970, « années mouvement » dans le sillage de la grande vague contestataire de 1968 qui voient s’exprimer, dans une joyeuse insolence, des mouvements où l’on ne revendique plus l’émancipation mais la « Libération des femmes » [3] [3] F. PICQ, Libération des femmes. Les années – mouvement,...
suite.
2 Au seuil des années 1950, le féminisme d’avant guerre semble démodé, dépassé. C’est le point de vue de Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe, publié en 1949, ouvrage qui fait scandale en remettant en cause l’idée d’une nature et d’un destin féminins [4] [4] S. CHAPERON et C. DELPHY (dir. ), Le cinquantenaire du Deuxième...
suite. Devenues citoyennes en 1944 par une décision politique qui, sur le moment, ne devait rien aux féministes dont les organisations étaient en sommeil ou avaient disparu, beaucoup de Françaises pensent avoir gagné cette égalité en droits qui était l’objectif des féministes de la génération précédente. Mais en même temps pointe le constat qu’il y a beaucoup à faire pour améliorer « la condition féminine », selon la terminologie de l’époque. Non seulement au plan matériel – le quotidien est difficile dans les années d’après guerre – mais aussi en termes de reconnaissance sociale, dans une période où l’on parle volontiers de « la femme nouvelle » [5] [5] C. DUCHEN, « Une femme nouvelle pour une France nouvelle ? »,...
suite mais sans que se transforment les représentations du féminin et du masculin.
3 Féminin, masculin : des catégories qui renvoient certes pour partie à des faits d’ordre biologique mais plus encore à des constructions sociales élaborées dans le temps long de l’histoire des sociétés. Ces catégories qui appartiennent au registre du symbolique ont produit des normes de comportement auxquelles les individus, femmes ou hommes, ont dû se conformer sous peine d’être marginalisés voire exclus de manière plus ou moins autoritaire selon les époques et les configurations sociales. La distinction des sexes, élément fondamental dans tous les systèmes sociaux, à travers le temps et l’espace, se conjugue avec ce que l’anthropologue Françoise Héritier a appelé la valence différentielle des sexes [6] [6] F. HÉRITIER, Masculin/ Féminin. La pensée de la différence,...
suite, c’est-à-dire l’universelle hiérarchie entre un principe masculin dominant et un principe féminin en position seconde même si les éléments de différenciation, les assignations à des rôles prescrits ont varié selon les époques et les sociétés. Parmi les multiples paramètres qui ont contribué à la construction des genres masculin et féminin (le genre étant entendu ici au sens de sexe social), il y a le fait religieux. D’où l’intérêt d’une analyse portant sur des revues d’associations liées aux deux confessions chrétiennes qui ont fortement marqué le paysage social, culturel et même politique de la France, même si leur poids respectif est très inégal et si leur influence va s’amenuisant au XXe siècle, période de déprise religieuse.
4 C’est pourquoi, dans le cadre de recherches sur les femmes catholiques et protestantes dans la France du XXe siècle, j’ai entrepris d’explorer ce qui était pensé et dit, de manière plus ou moins explicite, des représentations du féminin, à travers les revues de deux associations féminines, l’une catholique, l’Union Féminine Civique et Sociale (U.F.C.S.), créée en 1925 dans la mouvance du catholicisme social, et l’autre protestante, le mouvement Jeunes Femmes, fondé en 1946, plus modeste par ses effectifs mais très actif dans les débuts du « planning familial » en France à la fin des années 1950. Le féminin, catégorie abstraite qui renvoie à des qualités particulières, des attitudes, des normes de comportement, est rarement évoqué comme tel dans ces revues ou alors tardivement [7] [7] Dossier sur « Masculin/ féminin », Jeunes Femmes, no...
suite. Pourtant, à travers des textes au statut varié, analyses de fond, témoignages, informations, comptes rendus de livres ou encore critiques de films où la situation des femmes est sans cesse évoquée, c’est bien du féminin et de ses déclinaisons qu’il est question au fil des pages de La Femme dans la Vie Sociale, pour l’U.F.C.S., ou de Jeunes Femmes, bulletin puis revue du mouvement qui porte le même nom. Des revues rédigées essentiellement par des femmes dont certaines comme Geneviève d’Arcy, pour la revue de l’U.F.C.S., ou Francine Dumas, dans Jeunes Femmes, ont de réels talents de plume.
5 Au début des années 1950, l’Union Féminine Civique et Sociale [8] [8] Sur l’U. F. C. S. , S. FAYET-SCRIBE, Associations...
suite est une association active, riche d’une expérience d’un quart de siècle. Mouvement catholique d’action sociale, l’U.F.C.S. intervient dans le champ du temporel, à la différence de la Ligue Féminine d’Action Catholique (L.F.A.C.) [9] [9] Sur la L. F. A. C. , A. COVA, « Au...
suite, devenue l’Action Catholique Générale Féminine en 1955. Son implantation nationale, ses relais dans la classe politique – au M.R.P. surtout –, son expérience de terrain par le biais des nombreuses conseillères municipales adhérentes à l’association, lui donnent un poids non négligeable dans le débat public. Reconnue d’utilité publique en 1947, l’U.F.C.S. annonce 70 000 adhérentes après la guerre [10] [10] Document de l’U. F. C. S. , novembre 1988, p. 17. ...
suite et celles-ci seraient 8 000 dans les années 1960. Quant au mouvement Jeunes Femmes, il est beaucoup plus récent et plus modeste par ses effectifs [11] [11] Sur le mouvement Jeunes Femmes, S. CHAPERON, « Le mouvement...
suite. C’est en 1946 qu’apparaissent les premiers groupes au sein des Unions Chrétiennes de Jeunes Filles. Parmi les animatrices, on compte nombre d’épouses de pasteurs. Le mouvement, implanté dans les terres réformées avec des groupes actifs dans le Poitou, le Dauphiné, le Sud-Est mais aussi dans l’agglomération parisienne ou à Lyon, prend son indépendance en 1955 par rapport aux organisations de jeunesse protestantes mais il reste lié à l’Église Réformée de France. Il aurait 4 000 membres en 1963,6 000 en 1967.
6 Jeunes Femmes et l’U.F.C.S. recrutent leurs adhérentes essentiellement dans les classes moyennes urbaines, même si elles sont également présentes dans le monde rural dont le poids demeure important dans la France des années 1950-1960. Autre point commun, l’importance de la référence religieuse, dans l’une comme l’autre revue. Des théologiens catholiques écrivent dans La Femme dans la Vie Sociale. Francine Dumas, épouse du pasteur André Dumas, explique dans le numéro d’avriljuin 1952 du bulletin Jeunes Femmes comment, pour réfléchir à la place respective de l’homme et de la femme, les groupes de Jeunes Femmes ont commencé par se pencher sur la Bible, puis sur des œuvres théologiques, en prêtant l’oreille « vers les bruits qui venaient d’ailleurs », du catholicisme mais aussi de l’existentialisme, elle-même citant souvent Simone de Beauvoir. A la fin des années 1960, la dimension religieuse s’estompe avec la déconfessionnalisation de l’U.F.C.S. en 1965 et la disparition de la référence chrétienne dans les statuts de Jeunes Femmes en 1971 mais les revues restent marquées par la culture religieuse de leurs rédactrices et de leurs lectrices. Autre caractéristique commune, la volonté d’engagement de ces femmes, citoyennes depuis peu, qui ont conscience d’avoir un rôle à jouer au-delà du strict cadre familial. Malgré leurs divergences sur des questions essentielles comme le planning familial, il peut y avoir des contacts voire des collaborations ponctuelles entre des groupes des deux associations : c’est le cas lors de la réflexion sur le projet de réforme des régimes matrimoniaux, à Valence en 1960 [12] [12] Lettre aux députés de la Drôme, signée par l’U. F. C. S. ,...
suite.
7 Les revues qui ont fourni le matériau de cette étude ont une diffusion relativement modeste, surtout pour Jeunes Femmes – un demi-millier d’abonnées en 1955 [13] [13] Jeunes Femmes, no 17, mars 1955. ...
suite –, mais elles sont porteuses de sensibilités fortement ancrées dans la société française, dans une période où la pratique religieuse demeure importante, surtout du côté des femmes. Avec les années 1950-1960 on est encore dans « les cent fleurs du catholicisme » pour reprendre l’expression d’Étienne Fouilloux [14] [14] É. FOUILLOUX, « 1926-1958. Fille aînée de l’Église...
suite, une image qui peut être reprise du côté des protestants.
8 La Femme dans la Vie Sociale est en réalité le titre de deux parutions. D’une part un mensuel destiné aux adhérentes, avec en sous-titre Notre Journal, de grand format, au style résolument simple et pédagogique et dont la présentation devient plus aérée à partir de 1956, intégrant photos et publicités (essentiellement sur des articles ménagers). Il y a d’autre part la revue, bimestrielle puis trimestrielle, sans doute destinée aux militantes et cadres du mouvement avec des articles parfois copieux, à caractère plus abstrait. Cette revue se transforme en fiches documentaires sur des sujets variés à partir de 1958. En février 1968, les deux publications sont remplacées par le magazine Dialoguer.
9 Quant au bulletin Jeunes Femmes, d’abord ronéoté puis imprimé à partir de 1952, il est d’une facture très sobre et se veut un outil de réflexion pour les groupes avec des articles de fond – on peut y trouver les signatures de Germaine Tillon, Marie-José Chombart de Lauwe, Françoise Dolto. La volonté de faire participer les adhérentes, dans le cadre d’une structure qui se veut démocratique et décentralisée, est lisible à travers de nombreux questionnaires qui préparent les congrès annuels. La réflexion de chacune est sollicitée et de nombreux courriers sont envoyés qui parfois se répondent d’un numéro à l’autre. Le reproche d’intellectualisme pointe parfois de la part de lectrices rurales ou du monde ouvrier [15] [15] Courrier d’une responsable d’un groupe Jeunes Femmes...
suite. Il faut dire que le bulletin, devenu revue en 1963, est le plus souvent rédigé par une poignée de femmes qui ont un solide bagage intellectuel et biblique (parmi lesquelles Christine Rigal, Madeleine Barrot, Francine Dumas, etc.). L’un des intérêts de ces revues est aussi le corpus de comptes rendus d’ouvrages, de critiques de films mais aussi d’informations sur l’étranger souvent en rapport avec la question des femmes et donc du féminin.
10 Je m’intéresserai donc ici aux différentes déclinaisons du féminin, perceptibles dans ces revues, ainsi qu’au couple masculin/féminin, indissociable de toute réflexion sur le féminin. Parmi les interrogations qui traverseront cette analyse, il y a celle des spécificités et aussi des convergences entre des sensibilités liées à deux cultures religieuses mais aussi la question des glissements, des recompositions à l’œuvre, voire des ruptures par rapport au modèle convenu de la féminité.
La maternité au cœur du féminin
11 Parmi les visages du féminin, la maternité vient au premier plan, un constat qui n’étonne guère dans le contexte des années 1950. La maternité comme destin, comme fonction essentielle, si ce n’est unique pour les femmes, est une représentation léguée par le XIXe siècle qui demeure très prégnante au siècle suivant. Au seuil du XXe siècle, la valorisation de la figure maternelle traverse les clivages idéologiques, politiques et sociaux. L’Église catholique compte sur les mères pour assurer la solidité des familles et la transmission de la foi [16] [16] J. DELUMEAU (dir. ), La religion de ma mère. Le rôle des...
suite, les républicains voient en elles des éducatrices du futur citoyen, le monde ouvrier demeure très attaché au modèle de la mère au foyer et une partie de la mouvance féministe est « maternaliste ». Ce consensus, bousculé mais de manière très minoritaire par le mouvement libertaire adepte de la « libre maternité » et par certaines féministes radicales, s’inscrit dans un contexte de ralentissement de la démographie française qui préoccupe les autorités. L’angoisse redouble avec l’hécatombe humaine de la Première Guerre mondiale et le devoir de maternité est à l’ordre du jour, pour les femmes, dans les années 1920-1930; d’où le renforcement de la législation réprimant l’usage des moyens contraceptifs et l’avortement. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le contexte démographique a basculé, la natalité a repris avant même la fin du conflit, c’est le fameux « baby-boom » – qui n’est pas propre à la France – et les mères sont plus que jamais à l’honneur.
« La mère ouvrière du progrès humain », un regard catholique résolument positif
12 La Femme dans la Vie Sociale, à la fin des années 1940 et au début des années 1950 participe au concert des discours enthousiastes sur « la mère ». Celle-ci est présentée comme « ouvrière du progrès humain », thème du colloque fondateur du Mouvement Mondial des Mères qui se tient à Paris du 26 avril au 2 mai 1947 sous l’impulsion de l’U.F.C.S. [17] [17] La Femme dans la Vie Sociale. Notre Journal, avril-mai 1947. ...
suite et dont la première présidente est Geneviève d’Arcy, l’une des dirigeantes nationales de l’U.F.C.S., issue d’une famille de l’aristocratie catholique, elle-même mère de cinq enfants. Cette expression revient très souvent dans les nombreux éditoriaux et articles qu’elle signe dans le mensuel comme dans la revue qui inclut à partir de 1947 un supplément intitulé « La Voix des Mères ». La figure maternelle est omniprésente dans les textes comme dans l’iconographie du mensuel dans les années 1950, où la mère et l’enfant – représentation très importante dans l’imaginaire catholique – reviennent sans cesse. Parmi les nombreux textes évoquant, au tournant des années 1940-1950, « la mère » – le singulier signifie bien son caractère essentiel et atemporel – il est question de dévouement, de service des autres, d’attention, de patience même si la fermeté est conseillée dans l’éducation des enfants. Autant de qualités, d’attitudes qui renvoient à la représentation traditionnelle du féminin, ce qui ne surprend guère sous la plume de femmes catholiques, très attentives au discours officiel de l’Église. L’encyclique Casti Connubii de Pie XI – décembre 1930 – sur le mariage chrétien a fait l’éloge de la maternité et condamné ceux qui voudraient détourner les femmes de leur « mission maternelle ». Andrée Butillard, fondatrice et présidente du mouvement, invite d’ailleurs régulièrement des ecclésiastiques lors des congrès et manifestations de l’U.F.C.S.
13 Ces mères exemplaires sont avant tout des femmes au foyer. Dès le début des années 1930, l’U.F.C.S. a mené une campagne d’opinion sur ce thème qui lui a valu les félicitations de Rome. La conviction qu’il vaut mieux pour une mère être présente auprès des siens est régulièrement rappelée au lendemain de la guerre et dans les années 1950 [18] [18] « Demeure sans mère, corps sans âme », citation de...
suite. D’où l’attachement de l’organisation à l’allocation de salaire unique, versée aux ménages dont l’épouse n’a pas d’activité professionnelle, et explicitement destinée à encourager les mères à rester au foyer pour élever leurs enfants [19] [19] Allocation qui a pris le relais de l’allocation de la...
suite.
14 Dans l’argumentaire déployé par l’U.F.C.S. pour la défense de la mère au foyer, il faut aussi souligner la volonté de mettre en valeur, avec des enquêtes dont les résultats sont régulièrement publiés, l’importance économique et sociale du travail domestique des mères, activité qui n’est pas prise en compte, selon La Femme dans la Vie Sociale, par la société et par les autorités politiques. L’U.F.C.S. entend ainsi montrer, chiffres à l’appui [20] [20] Pour plus de détails, voir S. CHAPERON, Les années Beauvoir,...
suite, que ces femmes travaillent beaucoup et doivent donc bénéficier d’une réelle reconnaissance sociale, non pas sous la forme d’un salaire maternel qui en ferait des sortes de fonctionnaires de l’État mais par le maintien et la revalorisation de l’allocation de salaire unique, véritable cheval de bataille de l’U.F.C.S. dans les années 1950. Cet accent mis sur l’ampleur du travail maternel – qui renvoie à des réalités très concrètes – peut être lu comme un révélateur de l’adhésion de ces femmes catholiques au modèle familial traditionnel. Mais en mettant au jour le travail invisible des femmes – ce « métier qui ne s’improvise pas » comme dit Marie-José Chombart de Lauwe dans une intervention au congrès du mouvement Jeunes Femmes à Sète dans l’été 1959 [21] [21] Jeunes Femmes, no 47-48, juin-août 1959. ...
suite – l’U.F.C.S. anticipe d’une certaine manière la démarche des sociologies féministes des années 1970 qui parleront du « continent noir » du travail féminin, pour en tirer d’autres conclusions.
15 Consentante, mais non soumise, c’est l’image qui ressort de ces multiples évocations de « la mère » dans La Femme dans la Vie Sociale. La frontière est ténue entre les deux termes et pourtant le consentement laisse place à un espace de décision, à l’idée que la mère est bien une personne – l’U.F.C.S. se réclame du personnalisme chrétien – une femme certes liée fortement à sa famille, mais capable aussi d’initiatives. Elle encourage d’ailleurs les mères à sortir du cadre domestique pour s’engager dans le monde associatif, dans leur quartier et pourquoi pas en politique, au moins au niveau municipal. Maternité et citoyenneté sont ici explicitement liées, comme l’a montré Yvonne Knibiehler [22] [22] Y. KNIBIEHLER, La révolution maternelle depuis 1945. Femmes,...
suite. Étre mère, c’est aussi se préoccuper de la société dans laquelle grandiront les enfants, donc une mère ne peut se dispenser de s’intéresser aux affaires publiques; argument que l’on retrouve du côté des protestantes : « donner la vie engage à lutter pour un monde habitable, donc participer à la vie du pays »; ce propos de Colette Audry est repris dans un numéro de Jeunes Femmes au début de l’année 1964 [23] [23] Jeunes Femmes, no 79, janvier-février 1964. ...
suite.
Entre « grâce » et « aliénation », interrogations protestantes
16 La maternité, comme composante essentielle de la vie des femmes et donc du féminin, est également très présente dans Jeunes Femmes. Dans le bulletin de février-mars 1953, un texte du Conseil Œcuménique des Églises – qui rassemble les églises protestantes – intitulé « Étude sur les relations entre l’homme et la femme » évoque « l’importance et le caractère unique de la fonction de la mère soignant l’enfant », le fait que « en tant que mère, la femme est irremplaçable ». Mais il est dit aussi que « les fonctions sociales et humaines de la femme ne se limitent pas plus à la maternité que celles de l’homme à la paternité » et « que chaque société a une manière particulière de déterminer le rôle social de l’homme et de la femme ». Certes, être mère est un état « normal », l’expression revient à plusieurs reprises dans la revue, la maternité est même « une grâce » [24] [24] Expression du théologien protestant J. J. von Allmen citée...
suite et les témoignages ne manquent pas dans le courrier des lectrices, de mères convaincues de l’importance de leur tâche. Mais on peut aussi lire que celle-ci est lourde – un constat partagé par les catholiques – et parfois peu gratifiante. Il est question de la fatigue et des frustrations de la jeune mère de famille qui a souvent fait des études et dont l’horizon se referme sur le foyer.
17 Le regard protestant est plus critique. Ainsi à l’occasion d’une réflexion sur « la recherche d’un équilibre pour la femme » au printemps 1954 [25] [25] Jeunes Femmes, no 9, mars 1954. ...
suite, il est question du « malaise intérieur, plus ou moins prononcé » dont souffrent beaucoup de jeunes femmes. Madeleine Tric évoque « le harcèlement de nos journées..., l’écartèlement que nous font subir les activités multiples..., le sentiment du jamais fini »; un peu plus loin, elle parle de « l’aliénation de la mère au profit de sa famille ». Les mots sont forts et le constat sévère, mais la solution proposée est « la recherche avec patience et lucidité à se bien connaître, à ordonner au mieux son être et sa vie ». De même, dans un dialogue de l’automne 1954 entre une jeune femme, mère de famille, et son frère, médecin, « qui ont l’habitude de partager leurs expériences spirituelles » [26] [26] Jeunes Femmes, no 13-14, septembre-décembre...
suite, ceux-ci évoquent la vie souvent agitée qui ne laisse pas de temps pour lire, pour réfléchir, pour prier. Pour elle, c’est « une vie obscure et cantonnée à ma maisonménage, famille » où « on se laisse dévorer par les petits problèmes quotidiens » au point que « c’est peut-être ainsi qu’on enterre son talent comme dit la parabole ». Et un peu plus loin, elle évoque « le beau livre de Marcelle Auclair sur Sainte Thérèse d’Avila » chez qui « contemplation et action ne sont pas dissociées », et de conclure : « c’est à cela qu’il faut tendre ». Lucidité et conscience des limites de cette vie qui ne correspond pas à ce qu’attendaient ces femmes – le syndrome de la femme au foyer, déjà évoqué par Simone de Beauvoir en 1949, sera repris par l’Américaine Betty Friedan en 1963 [27] [27] B. FRIEDAN, The Feminine Mystic, 1963, traduit par Yvette...
suite. Mais la réponse suggérée dans Jeunes Femmes est celle d’un sursaut personnel qui peut trouver appui sur la foi et d’un refus de se laisser gagner par la résignation.
18 Avec les années 1960, le ton change, la question du travail professionnel des mères est abordée de manière plus ouverte dans Jeunes Femmes, mais les courriers envoyés à la revue témoignent des résistances fortes de la société face aux changements. Une lectrice, dont la lettre est publiée en avril 1961, explique qu’après avoir interrompu son métier de professeur pour élever ses quatre enfants, elle a repris l’enseignement, avec « l’accord complet » de son mari. Elle dit la fierté de ses grands enfants, le bonheur de ce choix, mais aussi le regard critique de certains dans son entourage et sollicite le point de vue de femmes de son âge [28] [28] Jeunes Femmes, no 60, avril 1961, « journal...
suite. Où l’on voit que la double activité de la mère de famille – devenue quasiment la norme à la fin du XXe siècle – n’était pas perçue comme légitime au seuil des sixties. La présence indispensable de la mère est surtout prônée durant la petite enfance. Au congrès d’Obernai en 1965, Nicole Mallet, qui intervient sur « les bouleversements entraînés dans notre vie par la crise de l’autorité » [29] [29] Jeunes Femmes, no 89-90, septembre-octobre 1965,...
suite, estime qu’il faut « que la Maman reste disponible, sans réserve, pour les tout-petits et soit « à la maison » pendant les deux ou trois premières années de chaque enfant ». « Les dons spécifiquement féminins sont toujours le service », souligne-t-elle. On pourrait en déduire que les représentations de la bonne mère ne bougent guère, y compris chez les protestantes souvent considérées comme plus ouvertes au changement. Pourtant, la même année, à l’occasion d’une recension nourrie de livres sur « la condition féminine », l’auteure du compte rendu du livre de Ménie Grégoire, Le Métier de femme, rédigé à partir d’une enquête auprès de 250 femmes et jeunes filles, évoque les « admirables pages » sur la maternité, « sur la signification de cette donnée de l’existence : ni but de la vie, ni ersatz de l’amour... ni même dignité particulière » mais « un stade de la maturité..., une responsabilité qu’on doit assurer librement et en connaissance de cause » [30] [30] Jeunes Femmes, no 88, été 1965. ...
suite.
19 Au milieu des années 1960, la maternité ne semble plus être le seul horizon de l’existence pour les femmes, même mères de famille. Un discours que l’U.F.C.S. qui se déconfessionnalise cette année-là a commencé aussi à tenir [31] [31] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, no...
suite. On s’éloigne ainsi, peu à peu, de l’image de la mère/sacrifice, du féminin synonyme de soumission, y compris du côté des catholiques même si leur cheminement est plus lent. La conscience d’appartenir à une génération qui doit inventer de nouvelles manières de vivre est très perceptible dans les courriers adressés aux revues. « Nos générations sont héritières de traditions féminines séculaires de service et d’abnégation », écrit une lectrice de Jeunes Femmes en janvier 1956; « il ne nous est donc pas toujours facile de tracer les nouveaux contours d’une vocation féminine qui nous demande à la fois moins et plus que par le passé [...], je pense que notre vocation particulière est de servir les autres mais je choisis de servir librement et je n’accepte pas de devenir une femme résignée » [32] [32] Jeunes Femmes, no 23-24, janvier-février 1956. ...
suite. Point de vue révélateur de la recomposition d’un modèle du féminin, toujours marqué par l’idée de service des autres – exigence qui vaut aussi pour les hommes, quoique de manière moins systématique – mais qui met clairement à distance le sacrifice de soi. Dans ce refus de la résignation, on retrouve la figure de la femme vaillante, venue de l’Ancien Testament; figure chère aux protestants et aussi à la tradition juive.
20 Un des indicateurs de cette rupture avec la figure de la mère/sacrifice est l’accueil réservé à l’accouchement sans douleur au début des années 1950 dans Jeunes Femmes. Plusieurs articles nourris abordent cette nouvelle manière d’accoucher inspirée de méthodes mises au point en U.R.S.S. et dont le parti communiste et l’Union des Femmes Françaises se font les avocats zélés [33] [33] S. CHAPERON, Les années Beauvoir, op. cit. , p. 124. ...
suite. Au printemps 1953, Christiane Rigal et Suzette Duflo rendent compte d’une conférence de presse à laquelle elles ont assisté sur ce sujet [34] [34] « Tu n’enfanteras plus dans la douleur », Jeunes Femmes,...
suite. La première, citant la revue protestante Réforme, dont elle est une ancienne rédactrice, souligne que l’origine de cette méthode pourrait bien être britannique, mais, refusant d’entrer dans la polémique, elle rappelle les grandes lignes de cette méthode dite psycho-prophylactique qui permet d’en finir avec l’angoisse et la douleur qui accompagnent communément les accouchements. Faisant « la part de la propagande », elle trouve curieux qu’on se réfère constamment au texte de la Genèse. « Pour nous », dit-elle, « nous comprenons le texte de la Genèse non comme une loi morale mais comme une loi physique; nous considérons que l’adoucissement des souffrances de l’accouchement est du même ordre que le progrès scientifique qui a fait reculer le risque de mort pour la mère et l’enfant ». Favorable à ce qu’elle considère comme un progrès, Christiane Rigal pose cependant quelques questions sur cette prise en charge totale de l’accouchée, sur la question des liens mère-enfant lors d’un « enfantement sans douleur ». Suzanne Duflo insiste pour sa part sur la participation active des patientes. « On ne subit plus l’événement, il demande une pleine conscience ». Répondant dans le numéro suivant [35] [35] Jeunes Femmes, no 4, avril 1953, p. 55-57. ...
suite, Suzanne Citron, qui est enseignante, fait part de sa propre expérience, insistant sur cette participation active à un événement extraordinaire, dans un cadre très humain, sans propagande auprès des femmes. Il y a en revanche peu de réactions à cette nouvelle méthode d’accouchement dans La Femme dans la Vie Sociale : la méfiance à l’égard d’une importation soviétique serait-elle encore plus marquée du côté des catholiques ? Quelques années plus tard, en janvier 1956, le pape Pie XII déclare que cette méthode dite prophylactique d’accouchement sans douleur n’est pas contraire à la morale chrétienne [36] [36] Jeunes Femmes, no 23-24, janvier-février 1956. ...
suite.
21 La valorisation de la maternité, expérience considérée comme essentielle dans la vie des femmes et donc constitutive du féminin, traverse la période dans les deux revues mais avec une insistance catholique nettement plus marquée. Quand La Femme dans la Vie Sociale évoque quelques grandes figures féminines de l’époque : Golda Meir [37] [37] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars-avril...
suite, Marie Curie [38] [38] La Femme dans la Vie Sociale, mars 1948. ...
suite ou Jacqueline Kennedy [39] [39] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, novembre-décembre...
suite, leurs qualités d’épouses et de mères sont systématiquement soulignées. Jeunes Femmes laisse, en revanche, plus de place aux interrogations et aux doutes. Dans le même temps, la représentation du féminin rimant avec sacrifice de soi s’éloigne et, peu à peu, la maternité elle-même n’est plus considérée comme l’unique horizon pour les femmes.
Être célibataire ou les incertitudes du féminin
22 Le célibat, réalité importante pour les deux sexes au XIXe siècle, recule au XXe siècle et surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, période de montée de la nuptialité et des mariages précoces. Pour une femme, être célibataire signifie, dans les années 1950-1960, ne pas être mère ou, si c’est le cas, c’est une anomalie, et le regard de la société demeure sévère sur « les filles-mères ». Les années 1970-1980 constituent à cet égard une rupture avec le développement des maternités dites célibataires mais où les femmes vivent en réalité souvent en couple, une nouvelle configuration qui renvoie la « fille-mère » à une histoire révolue. Si l’on remonte plus loin dans le temps, le statut social de la célibataire était à la fois fragile et paradoxal. Il était en effet difficile, dans une société où l’autorité et le pouvoir se conjuguaient au masculin, de penser que des femmes pouvaient vivre seules, sans « protection masculine » [40] [40] A. FARGE et C. KLAPISCH-ZUBER (dir. ), Madame...
suite. Mais en même temps ces célibataires étaient, au plan juridique, plus libres que les femmes mariées dont le statut de mineures, inscrit dans le Code civil, n’est que très progressivement levé au cours du XXe siècle.
23 Le célibat féminin est l’objet d’une réflexion dans Jeunes Femmes, alors que cette question semble assez secondaire dans La Femme dans la Vie Sociale. On peut suggérer deux explications à cette préoccupation plus marquée du côté protestant. D’abord la méfiance de la tradition réformée à l’égard du célibat – féminin ou masculin –, une attitude qui remonte aux débuts de la Réforme quand Luther et d’autres clercs décidèrent de rompre avec cet état et de prendre femme. Il faut aussi tenir compte de la sociologie du protestantisme français, avec une surreprésentation des classes moyennes et aisées [41] [41] G. CHOLVY et Y. -M. HILAIRE, Histoire religieuse de la France...
suite, un niveau de scolarisation élevé, y compris chez les jeunes filles qui, devenant institutrices ou professeurs [42] [42] 25 % des directrices de lycées de jeunes filles sont...
suite, accèdent à une autonomie personnelle qui conduit plus facilement au célibat. A propos de « l’équilibre de la femme », thème qui revient dans plusieurs numéros de Jeunes Femmes, dans l’année 1954, Madeleine Tric dresse, dans le numéro du mois de mars, une liste des risques de déséquilibre qui sont, pour la célibataire, « le sentiment d’une mutilation », la tentation de « vivre sans rythme » liée à « une trop grande liberté de vie », le fait qu’il n’y a « pas de sentiment de la continuité que donne l’enfant ». Au plan professionnel, « on se laisse dessécher, on se laisse dévorer ». Le travail avec les hommes soit « féminise à l’excès », soit « virilise ». Ce tableau peu encourageant est cependant tempéré par des éléments propices au contraire à l’équilibre de la femme célibataire qui sont « l’autonomie de l’existence qui vous fait conduire votre vie et développer la personnalité », « les possibilités d’échanges multiples, sur tous les plans qui donnent un horizon plus large que celui de bien des ménages » [43] [43] Jeunes Femmes, no 9, mars 1954. ...
suite. D’une part, le registre du manque, de la virilisation qui fait douter de la féminité de la célibataire et qui rappelle les clichés qui entourent le type social de la « vieille fille ». En contrepoint, l’excès inverse d’une féminité qui risque de s’exacerber, la culture protestante se méfie des jeux de la séduction. Mais il y a un versant positif, celui de l’autonomie, de l’ouverture et des échanges qui permet d’envisager une nouvelle manière d’être au féminin. Les médecins sollicités pour s’exprimer sur le même thème le font parfois d’une manière abrupte et très normative. « Le célibat est une anomalie au point de vue psychologique », c’est le mariage qui est « l’aboutissement normal de toute femme adulte ». Il y a certes des vocations au célibat mais elles sont rares. Quant à « ce qu’on appelle l’amour libre, le féminisme à outrance, il ne peut être approuvé par des chrétiennes » selon le docteur V. Brunat dans une conférence faite aux groupes Jeunes Femmes à Lyon. L’idée que « souvent la femme n’atteint son plein épanouissement que lorsqu’elle devient mère » suggère que la célibataire, qui en principe n’a pas d’enfant, ne peut accéder à cette plénitude du féminin. Il est même fait mention de « l’importance de l’imprégnation de la femme par le liquide spermatique du conjoint pour sa bonne santé physique », un propos qui se situe dans le droit fil des discours médicaux du XIXe siècle. Cependant une issue est possible pour ces femmes célibataires : la sublimation du besoin physique qui « se transforme alors en pensée spéculative, création artistique, dévouement pour les autres ». Penser et créer peuvent donc se conjuguer au féminin. Le sujet du célibat revient deux ans plus tard, en 1956, d’abord sous la forme d’une « analyse des étapes de la vie par deux amies de jeunesse, l’une mariée, l’autre pas ». La comparaison fait apparaître des évolutions qui s’inversent, temps des doutes pour la célibataire jusque vers 35 ans, opposé à la fierté de la jeune femme mariée, puis, entre 35 et 45 ans, alors que la femme mariée s’installe dans une certaine atonie, c’est « le triomphe de la célibataire » qui a la liberté de lire et de se cultiver, qui affirme sa maîtrise de soi dans sa vie professionnelle, « mais en secret elle souffre de ne pas être considérée comme une femme là où elle prétend l’être ». Et puis vient la troisième étape vers 45-50 ans, quand la femme mariée « est alors une maîtresse-femme », la célibataire a certes pris des responsabilités « mais cette vie a brisé une certaine féminité et émoussé sa sensibilité » [44] [44] Jeunes Femmes, no 25-26, mars-avril 1956. ...
suite.
24 La célibataire est-elle vraiment une femme ? Le doute est toujours là. Une note d’une « causerie faite à Strasbourg » invite à voir dans le célibat un état tout à fait légitime. S’il n’y avait pas de place pour le célibat dans l’ancienne alliance, il y en a une dans la nouvelle : le Christ n’a pas fondé de famille et l’apôtre Paul était célibataire. Mais le célibat peut être aussi « le fait du péché », celui de l’émancipation de la femme qui craint de perdre son indépendance ou encore « le goût de la vie facile pour certaines femmes » [45] [45] Ibid. ...
suite. Le registre moraliste vient contrecarrer la perception plutôt positive de l’accès à l’autonomie énoncée ailleurs. Un balancement que l’on retrouve dans les lettres de ces mères qui s’interrogent en janvier 1957 : « si nos filles ne se mariaient pas ? », l’une expliquant comment « faire pratiquement pour enlever à nos filles la peur du célibat », une autre reconnaissant qu’elle « tâtonne ».
25 Pourtant on compte sur ces femmes, moins requises par la famille, pour être présentes dans l’Église. Le célibat, rappelons-le, était une condition pour être assistante de paroisse, de même que pour les premières femmes pasteurs dans l’Église luthérienne d’Alsace de l’entre-deux-guerres puis pour celles qui, dans l’Église réformée, accèdent au pastorat dans des conditions particulières, au lendemain de la Seconde Guerre. Dans un premier temps, l’accès au ministère pastoral ne fut pas compatible avec l’état de femme mariée. Outre les arguments d’ordre pratique comme le problème de la disponibilité personnelle, il valait mieux, au début, selon Jean-Paul Willaime, « n’être pas une femme comme les autres, n’être ni épouse ni mère, ce qui est aussi une façon d’effacer les marques de genre » [46] [46] J. -P. WILLAIME, « L’accès des femmes au pastorat et...
suite.
26 L’appel aux célibataires est aussi largement pratiqué par l’Église catholique qui « emploie à plein rendement ses célibataires ». Ce constat un peu abrupt de Jeunes Femmes, en avril 1956, correspond bien à une réalité. Il y a d’abord la longue histoire du célibat consacré des religieuses, ce clergé féminin comme dit Claude Langlois [47] [47] C. LANGLOIS, Le catholicisme...
suite, dont le nombre est à son apogée dans le premier tiers du XXe siècle. Silhouettes familières à la fois moquées par les anticléricaux (les sœurs en cornettes du Canard Enchaîné) et souvent appréciées pour les multiples tâches qu’elles assurent dans le domaine des soins aux personnes, pour reprendre une expression actuelle. Mais il faut aussi tenir compte des laïques actives dans le cadre des paroisses et des associations et mouvements catholiques. Andrée Butillard, fondatrice de l’U.F.C.S., est une figure emblématique de cet engagement de femmes célibataires au service de l’Église. Lors de son décès en 1955, les témoignages cités dans La Femme dans la Vie Sociale insistent sur l’énergie, la ténacité, une certaine austérité, ainsi que sur le courage face à la souffrance physique de cette femme qui a dirigé de main ferme l’association pendant près de 30 ans. Des qualités plutôt viriles dans le traditionnel partage des genres mais tempérées par le fait qu’elle « n’était pas une cérébrale, une intellectuelle pure. Avec son intelligence combien lucide et puissante, elle voyait, pressentait les problèmes mais elle les ressentait aussi dans son cœur, dans sa sensibilité, dans tout son être » [48] [48] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no...
suite. On retrouve ici le registre du féminin qui ne laisse guère d’espace à la chose intellectuelle. La méfiance à l’égard de l’intellectuelle [49] [49] Intellectuelles, CLIO, Histoire, Femmes et Sociétés, no...
suite est sans doute plus marquée dans la culture catholique où le couple masculin/pensée abstraite et féminin/sentiment demeure très prégnant au milieu du XXe siècle. On la voit à l’œuvre avec Simone de Beauvoir violemment critiquée pour ce qu’elle écrit et aussi pour ce qu’elle représente, elle qui, dans sa vie, franchit allègrement les frontières de ce qui est assigné à l’un et l’autre sexe.
27 Ces célibataires, femmes sans hommes, qui s’inscrivent dans une longue tradition catholique et dont le statut est difficilement pensable dans d’autres cultures, ont peut-être en partie contribué à légitimer, dans les représentations collectives, la figure moderne de la célibataire. Il est question de temps à autre des « femmes seules » dans La Femme dans la Vie Sociale, mais le célibat n’est pas vraiment abordé comme un problème, à la différence de ce qu’on peut lire dans Jeunes Femmes. Il est même question, au lendemain de la guerre, de ces célibataires qui sont « la providence des belles-sœurs ou des cousines chargées d’enfants, la providence des enfants qui, sans elles, ne connaîtraient pas leur Dieu, la providence de leur quartier, bientôt nous dirons de leur commune, de leur canton, de leur pays » [50] [50] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no...
suite. Sur les cinq adhérentes de l’U.F.C.S. élues à l’Assemblée nationale en 1945, trois sont célibataires dont Marie-Madeleine Dienesch [51] [51] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no...
suite. Cette vision de la célibataire « providence » est dénuée d’interrogation sur la féminité de ces « femmes seules, vaillantes et bonnes qui sèment autour d’elles la joie et la sécurité ». Célibataires et mères se rejoignent dans le service des autres mais en même temps les premières sont dans l’obligation de travailler, « la profession devant aider à leur épanouissement de “personne” » [52] [52] La Femme dans la Vie Sociale, Fiches documentaires, no...
suite. Le travail professionnel des femmes est dans ce cas tout à fait légitime à la différence de celui, plus problématique, de la mère de famille.
28 La célibataire annoncerait-elle par son mode de vie un nouveau visage du féminin, celui de la femme libre, qui s’était affirmé dans l’entre-deux-guerres, inquiétant les tenants de l’ordre des familles dont nombre de catholiques ? Les représentations catholiques et protestantes de la célibataire sont bien sûr très éloignées de celle de la garçonne émancipée dont la liberté de mœurs fait scandale [53] [53] C. BARD, Les femmes dans la...
suite. A l’automne 1956, l’U.F.C.S. proteste contre le projet d’adaptation au cinéma du roman de Victor Margueritte [54] [54] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no...
suite. Mais on peut tout de même faire l’hypothèse que la reconnaissance d’une légitimité à vivre seule, dans une autonomie certes très encadrée, en particulier au plan sexuel, a pu participer à la lente redéfinition du féminin qui se dessine dans la période.
29 Au début des années 1960, même si les hésitations protestantes sur le célibat féminin demeurent, le ton change. Dans un nouveau dossier consacré à ce thème par Jeunes Femmes dans l’été 1961 [55] [55] Jeunes Femmes, no 62, juin-juillet 1961. ...
suite, il est encore question des difficultés rencontrées par ces femmes dont « la quasi-totalité n’a pas choisi la solitude » et dont la société accroît les difficultés par ses préjugés alors que finalement elles « ne sont pas des êtres anormaux » (sic). Mais des éléments nouveaux apparaissent avec la mention, certes brève, de l’homosexualité féminine – mais il est précisé qu’il « est rare que chez les femmes elle soit consciente et acceptée » – et une réflexion sur célibat et virginité proposée par Francine Dumas. Celle-ci fait référence à un texte de Madeleine Chapsal et à une enquête de 1960 de la sociologue Andrée Michel sur la vie familiale dans les hôtels meublés parisiens pour constater que « l’éthique a changé ». Elle distingue cependant « un amour passager ou durable entre deux êtres qui ne peuvent pas se marier et la pratique de l’adultère longtemps tolérée pour les hommes ». Un autre texte invite à appeler « Madame » toutes les femmes après vingt-cinq ans. Autant de signes d’une évolution de la représentation traditionnelle de la célibataire qui n’est plus forcément une femme seule et sans activité sexuelle qu’il faudrait distinguer de la femme mariée. « Le célibat ça n’existe pas ! », cette réflexion de Françoise Dolto, invitée au congrès de Jeunes Femmes à Uriage dans l’Isère en juin 1961, est reprise par Martine Charlot, professeur de philosophie et célibataire, dans un article du printemps 1964. Elle entend montrer qu’il y a peu de différences concrètes entre les célibataires et les autres. Parfois les célibataires peuvent avoir une vie sexuelle plus riche. Et puis elles peuvent « enfanter autre chose que des enfants... une œuvre, un métier, un livre, un tableau ». Une femme peut se réaliser aussi en dehors de la maternité, c’est ce qu’avait dit Simone de Beauvoir quinze ans plus tôt, mais ce n’était guère audible par la société d’alors. D’une manière plus familière, Monique Bouchez, en novembre 1961, dans La Femme dans la Vie Sociale, invite les célibataires à « vivre sans complexes ». « Ne louchons pas sur les femmes mariées », écrit-elle. Cette affirmation d’une vie possible pour les femmes en dehors du mariage, sans pour autant perdre leur appartenance au genre féminin, ne doit pas masquer l’importance du couple et de la famille dans les discours catholiques et protestants.
Le couple, lieu de la rencontre du masculin/féminin
30 Les années 1950-1960 sont celles de l’âge d’or du mariage. On se marie tôt et l’on divorce peu même si les chiffres du divorce montent dans les années 1960. Dans l’entre-deux-guerres s’est développée une culture de la conjugalité, liée aux classes moyennes, à l’urbanisation qui assure plus d’autonomie aux jeunes couples, modèle qui commence à se diffuser dans l’ensemble de la société et qui traverse les clivages sociaux et idéologiques. Au lendemain de la Seconde Guerre, la valorisation du couple se retrouve aussi bien chez les communistes – Maurice Thorez et Jeannette Vermeerch – que chez les catholiques ou les intellectuels comme Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, même s’il s’agit d’un couple hors normes.
31 On remarque une insistance particulière sur le couple dans Jeunes Femmes. Une attitude qui s’inscrit dans une longue tradition protestante. En effet, la méfiance des réformateurs à l’égard du célibat, évoquée plus haut, s’est très tôt conjuguée avec une préférence affirmée pour le mariage [56] [56] Luther, dans son Traité de la vie conjugale (1523), écrit...
suite même si celui-ci n’a pas le caractère indissoluble du mariage catholique. Dans les communautés protestantes, un couple comptait beaucoup et se devait d’être exemplaire, celui du pasteur et de son épouse. Dès les débuts du mouvement Jeunes Femmes, la réflexion sur la vie des couples tient une grande place dans le bulletin. Il y a d’ailleurs des groupes « Jeunes ménages » au sein du mouvement. Au fil des articles, nombreux sur ce thème, on retrouve souvent les signatures de Francine et André Dumas, un couple très engagé dans la réflexion de l’Église Réformée sur la question des femmes et la question de l’égalité des sexes.
32 « Nous savons que Dieu, en créant l’humanité, hommes et femmes, les a pensés différents » écrit Francine Dumas au printemps 1952 [57] [57] Jeunes Femmes, avril-juin 1952. ...
suite. Différents mais dans la « di-unity », concept anglo-saxon qui allie la diversité et l’unité d’une humanité où l’existence des deux sexes ne signifie pas la séparation entre deux types humains mais leur indispensable union, la première forme d’amour étant l’amour entre les sexes. « Être homme ou femme fait partie de la destinée éternelle de l’humanité » [58] [58] Concept évoqué dans un long texte du Conseil Œcuménique...
suite. Ainsi, la différence des sexes est affirmée comme une donnée fondamentale mais il ne faut pas, pour autant, enfermer les femmes et les hommes dans une essence atemporelle. « La Bible ne nous parle pas du “masculin” et du “féminin” comme des principes essentiels à préserver, elle nous parle d’hommes et de femmes créés pour vivre ensemble » affirme Francine Dumas en 1955 [59] [59] F. DUMAS, « Contributions récentes au problème de la...
suite. Cette année-là, une nouvelle équipe démarre à Jeunes Femmes intitulée « Vie et morale conjugale » et dont l’un des thèmes de réflexion est la question de la limitation des naissances. Il faut rappeler ici l’implication importante des groupes Jeunes Femmes dans l’association La Maternité heureuse fondée en mars 1956, puis dans le Mouvement Français pour le Planning Familial à partir de 1960.
33 « Le couple humain n’est pas un couple d’animaux qui fait ses petits dans l’irresponsabilité mais un couple d’hommes responsables des enfants que Dieu lui donne, qui ne subit pas mais prend une décision et qui, par conséquent limite le nombre de ses enfants ». Cet extrait de l’exposé du pasteur R. de Pury donne le ton du dossier consacré au printemps 1956, à « une question grave dont l’actualité s’est emparée » [60] [60] Jeunes Femmes, no 27-28, mai-juin 1956. ...
suite. Après une introduction générale où sont évoqués les décalages entre pays protestants et catholiques mais aussi les doutes sur les intentions des planificateurs de naissances, Francine Dumas rappelle les étapes de la prise de conscience du problème, en France dans l’année 1955 : le procès des époux Bac où le témoignage de la doctoresse Lagroua Weill-Hallé sur les grossesses non désirées a fait grande impression, la campagne menée par trois journaux, Libération, France-Observateur et l’Express, les ouvrages de Jacques Derogy et de José André Lacour [61] [61] J. DEROGY, Des enfants malgré nous, Paris, Éditions de...
suite et enfin les deux propositions de loi en février et avril 1956 pour autoriser la diffusion des moyens anticonceptionnels, qui se heurtent au refus du M.R.P. et des communistes. Les arguments pour ou contre le « birth control » sont examinés et discutés pour conclure au fait que « la procréation représente une responsabilité devant Dieu et non une fatalité ». Concrètement les lectrices sont invitées à adhérer à La Maternité heureuse. Ainsi, la contraception est-elle d’abord pensée comme relevant de la décision de couples engagés dans une commune entreprise [62] [62] Jeunes Femmes, no 3-5, mai-juillet 1957, textes...
suite. Dans un dossier du numéro de mars-avril 1961 sur « le contrôle des naissances » – terme préféré à celui de « limitation » – Francine Dumas présente cette question comme « essentiellement personnelle ». Le féminin rime ici avec responsabilité et libre-arbitre. Une posture assez éloignée de celle des autorités catholiques de l’époque, invitant les femmes à accepter des grossesses non souhaitées, y compris quand elles sont imposées par leur mari. Quelques années auparavant, la remise en cause de la notion de chef de famille par des projets de réformes législatives, dans plusieurs pays d’Europe, avait soulevé les critiques de juristes catholiques pour qui, dans le gouvernement de la famille, devait pouvoir subsister « une autorité coordinatrice indispensable » [63] [63] N. OUTIN, « En marge du premier congrès des Juristes...
suite. L’adéquation entre le masculin et l’exercice de l’autorité est clairement exprimée. « Le couple est en un sens plus fondamental que la famille » [64] [64] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961. ...
suite. Ce point de vue protestant peut expliquer une attention particulière à la question de l’aide aux couples en difficulté. Ainsi, les consultations conjugales sont saluées dans Jeunes Femmes, en 1962, par Madeleine Tric qui donne une vision très positive de cette « invention catholique », avec des conférences et des sessions organisées par des hommes et des femmes compétents : « tous catholiques convaincus, ils traitaient leur sujet avec la plus grande rigueur scientifique et avec un esprit parfois si libéré des pensées traditionnelles que leur public avait peine à les suivre et que certains semblaient scandalisés » [65] [65] Jeunes Femmes, no 69, août-septembre 1962. ...
suite; le concile Vatican II est proche. La vision du couple proposée par Jeunes Femmes, au seuil des années 1960, est celle d’un foyer qui doit être le lieu d’un partenariat entre mari et femme. « Nous ne sommes plus certains que la notion de chef de famille ait un sens, que les rapports amoureux supposent une subordination de la femme, que le travail doive être régi par l’autorité masculine » peut-on lire au printemps 1964, sous la plume de Martine Charlot [66] [66] Jeunes Femmes, no 80, mars-avril 1964. ...
suite. L’année suivante, la réforme des régimes matrimoniaux donnera plus d’autonomie aux femmes mais c’est en 1970 que l’autorité parentale conjointe inscrite dans le Code civil fera disparaître la notion de chef de famille. Au congrès du mouvement Jeunes Femmes de 1965 à Obernai, Nicole Mallet fonde le refus du primat de l’homme et du masculin sur le deuxième récit de la Création dans la Genèse où il est dit que : « Dieu les créa mâle et femelle ». Elle en conclut que « ce n’est plus l’homme qui est premier par rapport à la femme, mais la relation des deux sur les deux, le couple sur chacun des membres du couple ». Un peu plus loin, elle observe que chaque être humain est biologiquement bisexué et que « la traditionnelle faiblesse des femmes est bien souvent source de résistance et de force. La femme peut enseigner à l’homme la modestie et je ne sais quelle finesse souvent absente de la sensibilité masculine, même la plus profonde » [67] [67] Jeunes Femmes, no 89-90, septembre-octobre 1965. ...
suite. Ici la femme, dotée de qualités particulières se fait l’initiatrice, dans le couple, d’un vis-à-vis fécond entre féminin et masculin, lesquels ne sont ni opposés, ni confondus mais repensés.
Le féminin : des recompositions à l’œuvre
34 « La critique radicale de Simone de Beauvoir nous a rendu au moins le service de nous inciter à la prudence lorsque nous nous interrogeons sur les limites du masculin et du féminin. (...) Rappelons que selon le témoignage biblique, la femme est une personne devant Dieu au même titre que l’homme ». L’auteure de ces lignes parues en janvier-février 1964 dans Jeunes Femmes, S. Frutiger-Bickel, poursuit son analyse en précisant que hommes et femmes « sont égaux mais non interchangeables ». La différence des sexes est affirmée comme une valeur, elle a du sens y compris au plan spirituel, mais elle ne doit pas fermer l’horizon de l’égalité. La discussion est vive sur ce thème dans le monde protestant, d’après le rapport de Michelle Bernard – publié dans le même numéro – sur une rencontre organisée par les Églises protestantes américaines à Rochester en août 1963 et portant sur « l’évolution des relations entre hommes et femmes dans l’Église, la famille et la société en Amérique du Nord ». Dans son compte rendu, l’auteure note « une vision un peu légère de l’infériorité économique et sociale des femmes » de la part des participants masculins et elle remarque que sur la question des différences entre hommes et femmes, « les groupes se sont enlisés ». Un des moyens d’éviter ce « faux problème » est, selon elle, « d’atteler ensemble hommes et femmes à une tâche constructive, un service commun », de favoriser la coopération entre les deux sexes, une occasion aussi de « prendre conscience de l’héritage catholique de l’éducation des sexes séparés ». A trop vouloir insister sur cette différence, on risque de marginaliser les femmes explique André Dumas, à l’automne 1964, dans un texte nourri sur « l’accession des femmes au plein ministère », objet d’un vaste débat dans l’Église Réformée de France [68] [68] Jeunes Femmes, no 82-83, septembre-octobre 1964. ...
suite. Pour ce pasteur, très favorable à cette évolution, les arguments ne manquent pas en faveur du ministère pastoral des femmes. Il y a leur « exemplarité dans le service » mais aussi le fait qu’on ne doit pas introduire la différence sexuelle en un domaine où justement le baptême la nie ». On trouve, un peu plus loin dans le texte, cette phrase étonnante : « la diversité entre l’homme et la femme semblables fait la richesse de la vie ». Différences et ressemblances, une tension constante entre hommes et femmes, entre le masculin et le féminin.
35 La réflexion sur la différence des sexes est beaucoup moins poussée dans La Femme dans la Vie Sociale. Le thème de la complémentarité entre hommes et femmes [69] [69] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars-avril...
suite dans le cadre du « foyer » – terme plus souvent utilisé que celui de couple –, revient de manière récurrente. Dans l’énumération des spécificités féminines, il y a « ce regard pratique, la volonté d’aboutir, la sensibilité, le sentiment d’une relativité de la politique » [70] [70] La Femme dans la Vie Sociale, septembre-octobre 1952. ...
suite. Des termes que l’on retrouvera, un demi-siècle plus tard, dans le débat français sur la parité en politique à la fin des années 1990. Au seuil des années 1950, le discours de ces femmes catholiques reprend la thématique déjà largement développée au XIXe siècle des femmes garantes de la civilisation et des bonnes mœurs. « Élevez une fille et vous aurez civilisé une famille », écrit Yvonne Pagniez, de retour d’Afrique en 1949 [71] [71] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, juin 1949. ...
suite. Parmi les préoccupations clairement affichées de l’U.F.C.S., au lendemain de la guerre et dans les années 1950, il y a la lutte contre la prostitution et l’alcoolisme, considérés comme des fléaux sociaux particulièrement dévastateurs pour la dignité des femmes et donc du féminin, des sujets qui préoccupent également le mouvement Jeunes Femmes. L’idée d’une police des mœurs qui, comme en Grande-Bretagne, serait en partie assurée par des femmes, évitant à la fois le formalisme administratif et les brutalités policières, revient à plusieurs reprises dans La Femme dans la Vie Sociale[72] [72] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars 1947 et...
suite. Deux représentations du féminin se conjuguent à travers cette proposition. Tout d’abord celle des femmes vecteurs de la pacification et de la moralisation des rapports sociaux, une affirmation qui fait écho aux voix féminines de 1848 [73] [73] Sur les femmes en 1848 : M. RIOT-SARCEY, La démocratie...
suite, à celles des féministes de la Belle Époque et à l’héritage de la philanthropie relayée par l’action sanitaire et sociale où catholiques et protestantes furent très actives [74] [74] E. DIÉBOLT, Les Associations face aux institutions. Les...
suite. Mais en même temps, le féminin peut se conjuguer avec action, sens de l’initiative, fermeté : « il faut donner aux jeunes maris des compagnes vraiment fortes, tremper le caractère des filles comme celui des garçons » dit un texte de novembre 1953 – de la revue mensuelle. On retrouve ici le langage tenu par les mouvements de jeunesse qui ont pris leur essor dans l’entre-deux-guerres, avec pour les jeunes filles catholiques, celui des Guides de France [75] [75] M. -T. CHÉROUTRE, en collaboration avec G. CHOLVY, Scoutisme...
suite. Des organisations dont la pédagogie de l’action a sans doute contribué à recomposer les représentations du féminin. Les images de femmes actives, engagées dans de multiples domaines, y compris en politique sont très présentes dans les pages de La Femme dans la Vie Sociale. La figure de la conseillère municipale prend le relais de celle de la dame d’œuvres. « Femmes agissantes, communes vivantes » est le thème de réflexion de l’U.F.C.S. en 1958-1959.
36 L’avènement de la femme adulte, rejetant certains aspects d’une féminité synonyme d’infantilisation et d’irresponsabilité participe de cette recomposition du féminin dans une lecture cette fois plutôt protestante. « Vivre en adultes » est le thème du congrès de Jeunes Femmes en 1955. Il s’agit pour les femmes de sortir d’un état de dépendance et du confort qu’il pouvait parfois représenter, de lutter contre le sentiment d’infériorité pour accéder à l’autonomie. La figure biblique d’Esther rompant avec la soumission traditionnelle de l’épouse et obtenant du roi Assuerus, son époux, qu’il renonce au massacre des Juifs, est présentée comme celle de « l’adulte que Dieu cherchait » [76] [76] Jeunes Femmes, no 19-20, juillet-août 1955. ...
suite. Marie-José Chombard de Lauwe dans un texte sur « Le bonheur et les activités de la femme » publié dans Jeunes Femmes, dans l’été 1959, estime que « l’attitude un peu infantile que la femme a trop souvent, aussi bien en restant chez elle que parfois dans le travail, est ce qui doit avant tout se transformer ». Mais il y a, selon elle, « de plus en plus de femmes qui perdent ces comportements » [77] [77] Jeunes Femmes, no 47-48, juin-août 1959. ...
suite. Dans l’analyse des raisons de cette infantilisation des femmes, les lois ont leur part, d’où l’attention particulière portée à la réforme des régimes matrimoniaux entre 1960 et 1965.
37 La presse féminine, au moins pour certains titres, est aussi visée, La Femme dans la Vie Sociale s’inquiète de son « caractère pernicieux », « loin des vraies valeurs et qui empoisonne les femmes » [78] [78] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, novembre 1952. ...
suite tandis que Jeunes Femmes lui reproche de distiller rêves et frustrations. Refuser les mythes et les images « qui dispensent d’affronter le partenaire comme un être réel et rendent tous les rapports mensongers », c’est la conclusion que propose Francine Dumas à un long texte sur le couple en mai-juin 1967. Ce thème des femmes arrivées à l’âge adulte resurgit à propos de la grève des ouvrières de la manufacture d’armes d’Herstal en Belgique au printemps 1966, une grève qui a suscité le soutien de nombreuses organisations féminines en Europe dont le mouvement Jeunes Femmes et l’U.F.C.S. « La victoire des ouvrières d’Herstal, première victoire féminine collective. Traitées comme des enfants, elles se sont comportées en adultes et ont su aller droit à l’essentiel » [79] [79] Jeunes Femmes, no 94, mai-juin 1966. ...
suite.
38 Les hommes sont aussi concernés par cette injonction à passer à l’âge adulte. Dans une critique du film d’Antonioni, L’Avventura, il est question, dans Jeunes Femmes, de « l’étonnante inconscience masculine », « ce sont les femmes qui posent les questions, c’est leur exigence qui dénonce le mensonge de l’image traditionnelle du mariage et de l’amour » [80] [80] Jeunes Femmes, no 57, décembre 1960. ...
suite. Car être adulte, c’est aussi avoir des convictions. Pour Francine Dumas, il ne faut justement pas trop cantonner les femmes dans un rôle d’apaisement, de conciliation à tout prix où la conviction perdrait son exigence [81] [81] Jeunes Femmes, no 75, juillet-août 1963. ...
suite. Le féminin rime aussi avec conviction.
39 Mais pour accéder à ce statut d’adulte longtemps connoté au masculin, il faut aux femmes, une solide éducation et une formation professionnelle, des nécessités très souvent rappelées dans l’une et l’autre revues. « Les parents ont un rôle de premier plan à jouer auprès de leurs filles. Ils doivent renoncer à l’image ancestrale de la femme épouse – et – mère, faite uniquement pour le foyer, pour l’intérieur. La nature féminine n’est pas blessée mais vivifiée par le contact extérieur ». Dans le dossier proposé à l’automne 1961 par Jeunes Femmes sur « La femme et la vie professionnelle », l’accent est mis sur les bienfaits de la pratique d’un métier pour tout individu et sur l’idée qu’il « ne faut pas attacher aux études des filles une importance moindre qu’à celles des garçons ». De même, « les carrières féminines ne doivent pas être choisies en fonction des préjugés sur les soi-disant aptitudes ou vocations féminines » et le mariage précoce doit être évité, car c’est un obstacle majeur à l’achèvement d’une formation professionnelle pour les jeunes filles. Il est même question de « la paresse de certaines jeunes filles qu’elles justifient par leur “vocation” de future épouse au foyer et qui doit faire l’objet de sérieux avertissements » [82] [82] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961. ...
suite. Un langage assez éloigné de celui de La Femme dans la Vie Sociale où sont souvent décrits les « métiers féminins » permettant aux femmes de développer leurs « dons naturels ». « La nécessaire formation professionnelle ne doit pas empêcher d’être femme avant tout » [83] [83] La Femme dans la Vie Sociale. Notre journal, novembre 1956. ...
suite.
40 Quant à la question de l’égalité dans le traitement des filles et des garçons, cette préoccupation semble plus marquée du côté des protestantes, il est important « de donner aux enfants le sens de l’égalité entre frères et sœurs, de la valeur de la collaboration familiale; que nous fassions donner aux filles comme aux garçons un bagage professionnel valable et que nous les aidions à voir lucidement les problèmes qui pourront se poser à eux » peut-on lire dans Jeunes Femmes en 1961 [84] [84] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961. ...
suite. La même année, une commission du congrès de l’U.F.C.S., « Femme 1961 », a pour thème « La préparation des jeunes filles à la vie familiale, sociale et civique » : l’ordre des mots montre bien le primat accordé à la vie familiale, grande préoccupation de l’U.F.C.S. qui appartient à la mouvance familialiste à forte coloration catholique.
Décalages... et convergences
41 Le parcours effectué dans ces revues témoigne de la richesse de la réflexion menée. Certes le ton diffère d’une revue à l’autre, on décèle assez rapidement des divergences parfois nettes, par exemple sur la question du contrôle des naissances. Mais il y a aussi des points de convergence, en particulier cette progressive mise à distance du modèle de « la » femme assignée à son intérieur, dont la destinée serait circonscrite à la maternité, une évolution nettement perceptible dans les années 1960, ces sixties « où tout bouge, du paysage urbain aux relations familiales » [85] [85] A. -M. SOHN, « Pour une histoire de la société au regard...
suite. Les femmes qui s’expriment dans La Femme dans la Vie Sociale comme dans Jeunes Femmes ont visiblement conscience de vivre une période de profondes transformations pour les femmes, un élément sans doute sous-estimé par une historiographie un peu prisonnière du célèbre slogan : « 1970, année zéro » [86] [86] « Libération des femmes, année zéro », Partisans,...
suite. « Nous sommes à la croisée des chemins » écrit Francine Dumas en 1952 mais elle précise : « nous souhaitons vivement que le bon tournant ne soit pas pris trop vite » [87] [87] F. DUMAS, « La question préalable », Jeunes Femmes,...
suite.
42 Les décalages, les divergences ont bien sûr à voir avec des cultures religieuses mais aussi avec une inscription sociale et politique différente de part et d’autre. Les femmes catholiques sont tributaires d’une culture très marquée par l’autorité ecclésiastique dont la parole est souvent reprise dans La Femme dans la Vie Sociale jusqu’au milieu des années 1950. Il y a aussi des textes de pasteurs dans Jeunes Femmes, mais également de femmes compétentes en études bibliques. D’une manière générale, les uns et les autres disent moins la norme qu’ils ne questionnent, sans abandonner pour autant la référence à des valeurs. Il faut aussi faire la part d’une sociologie protestante plus élitaire ainsi que d’une sensibilité politique qui penche plutôt vers la gauche non communiste. Autant d’éléments à ne pas négliger dans l’analyse des prises de position du mouvement Jeunes Femmes.
43 A la lecture des deux revues, un point majeur de divergence se dégage : à l’insistance catholique sur la différence des sexes valorisée et considérée comme irréductible, s’oppose la préférence protestante pour l’affirmation de l’égalité entre hommes et femmes, thème qui revient régulièrement dans Jeunes Femmes.
44 Même si elles vont s’atténuant, au long des deux décennies, la prééminence de la maternité et l’exaltation des « vertus féminines » dominent le discours des femmes catholiques. Le thème récurrent des femmes donneuses de vie [88] [88] « Cette fonction féminine qui est de conserver la forme...
suite entre bien sûr largement dans l’argumentaire catholique contre le contrôle des naissances, du moins dans ses formes dites « artificielles » aux yeux de l’Église. Ici, le décalage est très net entre le discours catholique de l’accueil à la vie qui ne prend pas en considération la liberté des femmes et le discours protestant du choix raisonné des couples et des individus. Mais au-delà des discours, des réalités s’imposent. L’écart va grandissant dans cette période, entre les prises de position de l’Église catholique et les comportements des fidèles, un phénomène bien mis en lumière par les travaux de Martine Sévegrand [89] [89] M. SÉVEGRAND, Les enfants...
suite.
45 Dans cet attachement catholique à la différence des sexes, très lisible tout au long du XXe siècle [90] [90] Dossier sur « la différence homme-femme et sa portée...
suite, deux éléments se dégagent. D’abord, une lecture traditionnelle du féminin – où la liberté des femmes est limitée par les impératifs de la « nature », d’où la critique sévère des mouvements féministes à l’égard de l’Église. Mais on voit en même temps s’affirmer une forme de fierté féminine dont l’expression est manifeste sous la plume des rédactrices de La Femme dans la Vie Sociale. Le féminin devient une valeur fondamentale dans le fonctionnement des sociétés, une sorte de garant de la civilisation menacée par un primat du masculin qui rime souvent avec la tentation de la violence et la culture de la rupture, source de souffrances. Du féminin on glisse, de manière implicite, vers une culture féminine, même si l’expression n’est pas utilisée. Les nombreux récits et reportages sur la vie des femmes dans le monde accréditent l’idée d’une sorte de patrimoine – faut-il dire matrimoine ? – universel d’usages, de valeurs, héritage d’une longue expérience des femmes, dont la part d’ombres n’est pas niée mais qui ne s’y résume pas non plus [91] [91] Une analyse que l’on retrouve aujourd’hui par exemple...
suite. Finalement le modèle de la consommatrice avisée qui s’impose dans les années 1960 – l’U.F.C.S. déconfessionnalisée devient un mouvement de consommateurs – est au croisement de la version traditionnelle du féminin – la femme qui nourrit sa famille – et d’une vision renouvelée – l’habitante, la citoyenne exigeante, qui n’hésite pas à s’organiser avec d’autres femmes pour de meilleures conditions de vie.
46 Du côté des protestantes qui s’expriment dans Jeunes Femmes, la différence des sexes est porteuse de sens mais cette fois dans le cadre du couple, cette « relation de compagnonnage frémissant » selon l’expression de Francine Dumas en mai-juin 1967 en conclusion d’un dossier sur le mariage et le couple dont la tonalité générale annonce les analyses féministes qui vont se déployer quelques années plus tard. Mais cette différence doit être relativisée selon elle. Dans une longue conférence donnée lors du colloque « Très Jeunes Femmes » de mars 1966 sur « la condition féminine en 1966 », occasion d’un rappel documenté sur les racines culturelles et sociologiques de cette condition puis sur sa contestation au XXe siècle, pour finir sur les « difficultés et les chances d’un nouveau vis-à-vis », Francine Dumas refuse l’idée d’une « essence » du féminin : « dire que la femme est faite pour être épouse et mère, c’est lui fixer un destin... », on retrouve l’analyse de Simone de Beauvoir. « Nous ne cherchons plus quelle est « la place de la femme » dans le monde. Nous pensons que le monde appartient aux hommes et aux femmes, qu’ils doivent ensemble le penser et le régir ». Dans la conclusion de ce texte aux accents parfois lyriques, elle se réjouit que « pour la première fois dans l’histoire, hommes et femmes se rencontrent comme consciemment semblables parce que pleinement humains et consciemment différents parce que hommes et femmes, à la fois suffisamment semblables pour se reconnaître et suffisamment distincts pour s’intéresser, se déconcerter mutuellement et s’aimer sans s’ennuyer. Ce sont les conditions mêmes pour qu’ensemble ils puissent tenter l’aventure humaine de la liberté » [92] [92] Francine Dumas, texte repris intégralement dans Jeunes...
suite. Le ton est enthousiaste, délibérément optimiste, une démarche que l’on retrouve dans La Femme dans la Vie Sociale, même si les propos diffèrent.
47 Autonomie, liberté personnelle, maîtrise de soi, des valeurs très liées à la culture protestante, qui participent aussi bien du masculin que du féminin. Des valeurs qui sont au cœur de l’engagement du mouvement Jeunes Femmes dans le Mouvement Français pour le Planning Familial, au début des années 1960. La revue propose d’ailleurs de nombreux dossiers sur ce thème. Cette liberté qui ne se confond pas avec l’égoïsme et le repli sur soi, précise-t-on souvent, se conjugue pour les femmes avec l’égalité. Encore discrète dans les textes des années 1950, la question de l’égalité des sexes devient plus présente dans Jeunes Femmes avec les sixties. La revue est attentive aux évolutions législatives – la réforme des régimes matrimoniaux en 1965, la loi Neuwirth légalisant la contraception en 1967 – mais aussi à ce qui se passe au sein de l’Église Réformée, avec, en 1965, l’accès des femmes au ministère pastoral. « Il faut que nous élevions nos fils et nos filles dans le principe de l’égalité à tous les plans, peut-on lire dans le numéro de mai-juin 1968 consacré au « Travail de la femme ». La même année, Dialoguer qui a pris le relais de La Femme dans la Vie Sociale, explique, dans son premier numéro de février-mars 1968 que « l’U.F.C.S. ne regroupe pas des femmes pour revendiquer des droits ou des places que les hommes posséderaient et dont elles se sentiraient frustrées mais simplement pour leur permettre de participer avec et à côté des hommes, à la construction de la société ». Le propos est, on le voit, beaucoup moins ambitieux. L’attachement protestant à l’idée d’égalité, plus précoce et plus marqué, est à relier à une culture, à une histoire, au fonctionnement même des Églises protestantes avec la pratique du sacerdoce universel très éloignée de la tradition catholique.
48 Malgré ces divergences, on voit aussi se dessiner des représentations communes. Le féminin est devenu synonyme d’action, d’initiative, de prise sur le monde. Dans les pages de ces revues surgissent des figures de femmes actives et volontaires. L’horizon s’ouvre au-delà du cadre familier, les revues fournissant des informations variées sur l’actualité. Dans La Femme dans la Vie Sociale, Geneviève d’Arcy fait ainsi le point sur les élections de manière très pédagogique dans les années 1950. Au début des années 1960, c’est la question de l’urbanisme et des grands ensembles qui est l’objet de dossiers fournis. L’actualité internationale a aussi sa place avec des commentaires sur la guerre froide ou sur la guerre d’Algérie. Jeunes Femmes donne la parole à ses abonnées d’Algérie dont les lettres sont publiées dans le numéro de novembre-décembre 1956. Le numéro de novembre 1961 de La Femme dans la Vie Sociale reproduit la lettre adressée au ministre de l’Intérieur, Roger Frey, par l’U.F.C.S., à propos des événements du 17 octobre. « Les femmes, les mères tiennent une fois encore à s’élever contre toute distinction raciale, contre toutes les brutalités et violences qui rappellent aux Français certaines méthodes et traitements mis au ban de l’humanité... Comment pouvons-nous apprendre à nos enfants le respect de l’autorité, l’amour de leur pays et la fraternité lorsqu’ils voient les scènes de ces jours derniers ? ». L’articulation entre le statut de mère et celui de citoyenne est clairement exprimée dans cette protestation de femmes contre les violences policières à l’encontre des manifestants musulmans, une protestation qui, d’une manière générale, fut plutôt discrète.
49 Ni résignation féminine, ni guerre des sexes, il s’agit bien de vivre ensemble, c’est le message qui traverse l’une et l’autre revues, d’où la commune méfiance à l’égard du féminisme, plus tenace encore chez les catholiques. « Le mouvement n’a rien de féministe » peut-on lire dans Dialoguer en février-mars 1968. Dans Jeunes Femmes dont le ton se rapproche de celui des textes féministes, à la fin des années 1960, le terme du féminisme continue pourtant de susciter des réserves. Rolande Dupont explique, dans le numéro de mars-avril 1971 qui consacre un dossier au thème masculin/féminin, qu’il faut exclure à la fois « la solution parfois tentante du retour à l’équilibre antérieur... et aussi l’installation dans la rivalité, dans la “guerre des sexes” ». Mais un peu plus loin Suzanne Kneubühler reconnaît que « les mouvements très féministes n’ont pas d’autre possibilité de faire connaître leurs aspirations que l’action qui frappe l’opinion, action qui à première vue pourrait paraître insensée mais dont il nous faut lire la question profonde ».
50 On peut se demander si cette réticence à l’égard des féministes n’est pas liée, au-delà du décalage des générations, aux représentations du féminin encore fortement liées à la maternité du côté des catholiques – encore influentes à l’U.F.C.S. malgré la déconfessionnalisation – ou bien au couple, du côté du mouvement Jeunes Femmes. Or la maternité et le couple sont deux cibles majeures de la critique féministe des années 1970, d’où l’incompréhension qui a pu s’installer. Sur un autre point, la question du corps, du désir et de la sexualité, la distance est très grande entre le discours féministe tonique et provocateur qui surgit à partir de 1970 et celui de ces femmes protestantes et catholiques des deux décennies précédentes. En effet, le sujet est enveloppé d’un voile pudique dans La Femme dans la Vie Sociale puis dans Dialoguer, ou bien évoqué sur un mode scientifique, dans un registre en général très sérieux, dans Jeunes Femmes, y compris pour les articles traitant du contrôle des naissances et de la sexualité. Il faut sans doute y voir le legs d’une culture chrétienne qui, pendant des siècles, a associé plaisir sexuel et péché et même si cette association n’a plus court dans le monde protestant et si la parole est plus libre sur ce thème, le propos demeure sobre et ne transgresse pas certaines limites.
51 La remise en cause des inégalités entre hommes et femmes, fait majeur du XXe siècle, a bousculé les représentations du masculin et du féminin. Il faut rappeler ici le rôle moteur, dans le monde occidental, de la pensée et des mouvements féministes [93] [93] Outre les ouvrages cités précédemment pour la France,...
suite. Cependant d’autres femmes, qui ne se disaient pas féministes, ont, à leur manière, à un autre rythme et avec d’autres mots, questionné le primat du masculin et contribué à repenser le féminin. Parmi elles, des femmes catholiques et protestantes dont les préoccupations, la parole méritent l’attention des historiens et historiennes des femmes et du genre. En effet, ces femmes ont, dès les années 1950 – elles n’étaient pas les seules à le faire – exploré cette question des rapports entre hommes et femmes. Leurs analyses, leurs prises de position ne sont sans doute pas étrangères aux grands débats de la vague féministe des années « mouvement ». La distinction, souvent présentée de manière très schématique, entre féminisme de la différence et féminisme de l’égalité, l’un exaltant la féminitude, l’autre se méfiant de ce qu’il considère comme une dérive essentialiste et allant parfois jusqu’à contester la légitimité des catégories de sexe, a peut-être à voir avec l’expression de sensibilités religieuses encore très vivantes dans les décennies précédentes.
52 Les catégories du symbolique appartiennent au temps long de l’histoire, et l’on peut faire l’hypothèse que les représentations du féminin (et du masculin) construites par les sociétés, recomposées, mises en cause par la contestation féministe, restent pour partie tributaires des grandes traditions religieuses même si celles-ci sont sur le déclin. Une invitation à poursuivre la réflexion sur des pistes encore peu explorées...
Vivisection d’un cerveau féminin (dessin de Redenti dal Fischietto, 1850).
Vivisection d’un cerveau féminin (dessin de Redenti dal Fischietto, 1850).
Notes
[ *] Maîtresse de conférences d’histoire contemporaine à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble.
[ (1)] S. CHAPERON, Les années Beauvoir, 1945-1970, Paris, Fayard, 2000.
[ (2)] L. KLEJMAN, F. ROCHEFORT, L’égalité en marche. Le féminisme sous la Troisième République, Paris, Presses de la F.N.S.P. et Éditions des femmes, 1989. C. BARD, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940, Paris, Fayard, 1995.
[ (3)] F. PICQ, Libération des femmes. Les années – mouvement, Paris, Le Seuil, 1993.
[ (4)] S. CHAPERON et C. DELPHY (dir.), Le cinquantenaire du Deuxième Sexe, Paris, Syllepse, 2002.
[ (5)] C. DUCHEN, « Une femme nouvelle pour une France nouvelle ? », CLIO, Histoire, Femmes et Sociétés, no 1,1995, p. 151-164.
[ (6)] F. HÉRITIER, Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996.
[ (7)] Dossier sur « Masculin/féminin », Jeunes Femmes, no 122, mars-avril 1971.
[ (8)] Sur l’U.F.C.S., S. FAYET-SCRIBE, Associations féminines et catholicisme. De la charité à l’action sociale, XIXe - XXe siècle, Paris, Éditions ouvrières, 1990. S. CHAPERON, Les années Beauvoir, op. cit. Amicale U.F.C.S., Recherches sur l’U.F.C.S. et son histoire par celles qui l’ont vécue, no 1, novembre 1987, no 2, novembre 1988. N. BLACK, Social feminism, Ithaca, Cornell University Press, 1989.
[ (9)] Sur la L.F.A.C., A. COVA, « Au service de l’Église, de la patrie et de la famille ». Femmes catholiques et maternité sous la IIIe République, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 151 et suiv.
[ (10)] Document de l’U.F.C.S., novembre 1988, p. 17.
[ (11)] Sur le mouvement Jeunes Femmes, S. CHAPERON, « Le mouvement Jeunes Femmes 1946-1970 : de l’Évangile au féminisme », Bulletin de la société de l’Histoire du Protestantisme Français, janviermars 2000, p. 153-183. Jeunes Femmes, 1946-1981-1991, quarante-cinq ans de vie, document interne.
[ (12)] Lettre aux députés de la Drôme, signée par l’U.F.C.S., l’U.F.F. (Union des Femmes Françaises, liée au Parti communiste) et Jeunes Femmes, Jeunes Femmes, no 54-55, juillet-septembre 1960.
[ (13)] Jeunes Femmes, no 17, mars 1955.
[ (14)] É. FOUILLOUX, « 1926-1958. Fille aînée de l’Église ou pays de mission », in J. LE GOFF et R. RÉMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, tome 4 : XXe siècle, Paris, Seuil, 1992.
[ (15)] Courrier d’une responsable d’un groupe Jeunes Femmes du Havre, venue au congrès de Sète en 1959. Elle explique s’être trouvée en décalage par rapport à son groupe qui ne comprend que deux réformées, une majorité de catholiques et même des femmes qui votent pour les communistes, la plupart d’origine très modeste. Mais elle précise que ce congrès était « passionnant ». Jeunes femmes, no 52, mars-avril 1960.
[ (16)] J. DELUMEAU (dir.), La religion de ma mère. Le rôle des femmes dans la transmission de la foi, Paris, Cerf, 1992.
[ (17)] La Femme dans la Vie Sociale. Notre Journal, avril-mai 1947.
[ (18)] « Demeure sans mère, corps sans âme », citation de Maxence Van der Meersch en encart sur la première page de La Femme dans la Vie Sociale. Notre Journal, mai 1951.
[ (19)] Allocation qui a pris le relais de l’allocation de la mère au foyer dont la création, en 1938, fut inspirée en grande partie par l’U.F.C.S. A. COVA, « Au service... », op. cit., p. 190.
[ (20)] Pour plus de détails, voir S. CHAPERON, Les années Beauvoir, op. cit., p. 121.
[ (21)] Jeunes Femmes, no 47-48, juin-août 1959.
[ (22)] Y. KNIBIEHLER, La révolution maternelle depuis 1945. Femmes, maternité, citoyenneté, Paris, Perrin, 1997.
[ (23)] Jeunes Femmes, no 79, janvier-février 1964.
[ (24)] Expression du théologien protestant J. J. von Allmen citée par le pasteur André Dumas, Jeunes Femmes, no 82-83, septembre-octobre 1964, p. 50.
[ (25)] Jeunes Femmes, no 9, mars 1954.
[ (26)] Jeunes Femmes, no 13-14, septembre-décembre 1954.
[ (27)] B. FRIEDAN, The Feminine Mystic, 1963, traduit par Yvette Roudy, sous le titre La Femme mystifiée, Paris, Gonthier, 1964.
[ (28)] Jeunes Femmes, no 60, avril 1961, « journal à plusieurs voix ».
[ (29)] Jeunes Femmes, no 89-90, septembre-octobre 1965, p. 44.
[ (30)] Jeunes Femmes, no 88, été 1965.
[ (31)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, no 310, mars 1961 : « Un faux dilemme : pour ou contre la mère au foyer »; no 333, mai 1964, congrès de Dijon sur le thème « Dans un monde en évolution, la femme et son travail » : parmi les objectifs annoncés, « faire découvrir la complexité du travail féminin », parmi les conclusions, « faire reconnaître la dimension sociale du travail professionnel ».
[ (32)] Jeunes Femmes, no 23-24, janvier-février 1956.
[ (33)] S. CHAPERON, Les années Beauvoir, op. cit., p. 124.
[ (34)] « Tu n’enfanteras plus dans la douleur », Jeunes Femmes, no 2-3, février-mars 1953, p. 33-36.
[ (35)] Jeunes Femmes, no 4, avril 1953, p. 55-57.
[ (36)] Jeunes Femmes, no 23-24, janvier-février 1956.
[ (37)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars-avril 1957.
[ (38)] La Femme dans la Vie Sociale, mars 1948.
[ (39)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, novembre-décembre 1963.
[ (40)] A. FARGE et C. KLAPISCH-ZUBER (dir.), Madame ou Mademoiselle ? Itinéraires de la solitude féminine, XVIIIe - XXe siècle, Paris, Montalba, 1984.
[ (41)] G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, Toulouse, Privat, 1986, tome 2, p. 39.
[ (42)] 25 % des directrices de lycées de jeunes filles sont protestantes au tournant du XXe siècle d’après G. CHOLVY et Y.-M. HILAIRE, Histoire religieuse..., op. cit., p. 48. Une proportion impressionnante, quand on sait que les protestants sont très minoritaires en France.
[ (43)] Jeunes Femmes, no 9, mars 1954.
[ (44)] Jeunes Femmes, no 25-26, mars-avril 1956.
[ (45)] Ibid.
[ (46)] J.-P. WILLAIME, « L’accès des femmes au pastorat et la sécularisation du rôle du clerc dans le protestantisme », Archives des Sciences sociales des Religions, juillet-septembre 1996, p. 29-45.
[ (47)] C. LANGLOIS, Le catholicisme au féminin : les congrégations à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Cerf, 1984.
[ (48)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no 269, septembre-octobre 1955, éditorial d’Hélène Caron. Sur le parcours d’Andrée Butillard : H. ROLLET, Andrée Butillard et le féminisme chrétien, Paris, Spes, 1960, et J. CHABOT, « Les syndicats féminins chrétiens et la formation militante de 1913 à 1936 : “propagandistes idéales” et “héroïne identitielle” », Le Mouvement Social, octobredécembre 1993, p. 8-9,14-17; N. BLACK, Social feminism, op. cit.
[ (49)] Intellectuelles, CLIO, Histoire, Femmes et Sociétés, no 13,2001.
[ (50)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no 179, septembre-octobre 1945, article de Marie THOINE.
[ (51)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no 180, décembre 1945.
[ (52)] La Femme dans la Vie Sociale, Fiches documentaires, no 238, juillet 1956.
[ (53)] C. BARD, Les femmes dans la société française au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2001, p. 121.
[ (54)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre Journal, no 276, septembre-octobre 1956.
[ (55)] Jeunes Femmes, no 62, juin-juillet 1961.
[ (56)] Luther, dans son Traité de la vie conjugale (1523), écrit à propos du mariage que « cet état plaît à Dieu ». Article « Femme », Encyclopédie du Protestantisme, Paris-Genève, Cerf-Labor et Fides, 1995.
[ (57)] Jeunes Femmes, avril-juin 1952.
[ (58)] Concept évoqué dans un long texte du Conseil Œcuménique des Églises, repris dans le no 2-3 de Jeunes Femmes, février-mars 1953, p. 24.
[ (59)] F. DUMAS, « Contributions récentes au problème de la femme », Jeunes Femmes, no 22, novembredécembre 1955.
[ (60)] Jeunes Femmes, no 27-28, mai-juin 1956.
[ (61)] J. DEROGY, Des enfants malgré nous, Paris, Éditions de Minuit, 1956. J.-A. LACOUR, Confession interdite, Paris, Julliard, 1956, un roman.
[ (62)] Jeunes Femmes, no 3-5, mai-juillet 1957, textes du congrès de Bièvres, ateliers sur le thème de la vie familiale.
[ (63)] N. OUTIN, « En marge du premier congrès des Juristes catholiques », La Femme dans la Vie Sociale, no 228, janvier 1954.
[ (64)] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961.
[ (65)] Jeunes Femmes, no 69, août-septembre 1962.
[ (66)] Jeunes Femmes, no 80, mars-avril 1964.
[ (67)] Jeunes Femmes, no 89-90, septembre-octobre 1965.
[ (68)] Jeunes Femmes, no 82-83, septembre-octobre 1964. Le synode de l’Église Réformée de France réuni à Nantes en 1965 décide d’accueillir et d’ordonner des femmes, comme les hommes, à tous les ministères, y compris le ministère pastoral.
[ (69)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars-avril 1958 : à propos d’un meeting de l’U.F.C.S. sur « La promotion de la femme », il est question des « valeurs spécifiques et complémentaires de la nature féminine et masculine ».
[ (70)] La Femme dans la Vie Sociale, septembre-octobre 1952.
[ (71)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, juin 1949.
[ (72)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, mars 1947 et juillet-août 1948.
[ (73)] Sur les femmes en 1848 : M. RIOT-SARCEY, La démocratie à l’épreuve des femmes. Trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848, Paris, Albin Michel, 1994. J.W. SCOTT, La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l’homme, Paris, Albin Michel, 1998, chap. 3.
[ (74)] E. DIÉBOLT, Les Associations face aux institutions. Les femmes dans l’action sanitaire, sociale et culturelle, 1900-1965, thèse de doctorat d’État, Université Paris VII, 1993.
[ (75)] M.-T. CHÉROUTRE, en collaboration avec G. CHOLVY, Scoutisme et promotion féminine, 1920-1990, Paris, Éditions des Guides de France, 1990.
[ (76)] Jeunes Femmes, no 19-20, juillet-août 1955.
[ (77)] Jeunes Femmes, no 47-48, juin-août 1959.
[ (78)] La Femme dans la Vie Sociale, Notre journal, novembre 1952.
[ (79)] Jeunes Femmes, no 94, mai-juin 1966.
[ (80)] Jeunes Femmes, no 57, décembre 1960.
[ (81)] Jeunes Femmes, no 75, juillet-août 1963.
[ (82)] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961.
[ (83)] La Femme dans la Vie Sociale. Notre journal, novembre 1956.
[ (84)] Jeunes Femmes, no 64-65, octobre-décembre 1961.
[ (85)] A.-M. SOHN, « Pour une histoire de la société au regard des médias », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, avril-juin 1997, p. 287-306.
[ (86)] « Libération des femmes, année zéro », Partisans, no 54-55, juillet-octobre 1970.
[ (87)] F. DUMAS, « La question préalable », Jeunes Femmes, avril-juin 1952.
[ (88)] « Cette fonction féminine qui est de conserver la forme humaine et de la protéger », phrase du philosophe Alain citée dans La Femme dans la Vie Sociale, no 237, avril-juin 1956.
[ (89)] M. SÉVEGRAND, Les enfants du Bon Dieu. Les catholiques français et la procréation au XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995.
[ (90)] Dossier sur « la différence homme-femme et sa portée spirituelle » du Bulletin du secrétariat de la conférence des évêques de France, no 12/13, juillet-août 1994 qui fait référence aux analyses de Luce Irrigaray dont les textes ont alimenté le courant du féminisme dit « de la différence ».
[ (91)] Une analyse que l’on retrouve aujourd’hui par exemple chez V. NAHOUM-GRAPPE, Le féminin, Paris, Hachette, 1996, chapitre III.
[ (92)] Francine Dumas, texte repris intégralement dans Jeunes Femmes, no 95, octobre 1966.
[ (93)] Outre les ouvrages cités précédemment pour la France, cf. K. OFFEN, European feminisms, 1700-1950, Stanford, Stanford University Press, 2000.
POUR CITER CET ARTICLE
Mathilde Dubesset « Les figures du féminin à travers deux revues féminines, l'une catholique, l'autre protestante, La Femme dans la Vie Sociale et Jeunes Femmes, dans les années 1950-1960 », Le Mouvement Social 1/2002 (no 198), p. 9-34.
URL : www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2002-1-page-9.htm.
DOI : 10.3917/lms.198.0009.
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