Le jean pourrait-il dater du XVIIe siècle ?





Peu salissant, bon marché, qui ne se froisse pas et se bonifie en vieillissant, porté en même temps par plusieurs générations, le jean connaît un phénoménal succès mondial au point de devenir un vêtement mythique. « Je n’ai qu’un regret, celui de ne pas avoir inventé le jean » disait Yves Saint Laurent. Il n’est donc pas étonnant que chacun veuille s’approprier un petit bout de ses origines historiques, qui restent floues, même les archives de la compagnie Levi Strauss ont brûlé dans l’incendie qui a ravagé San Francisco après le grand tremblement de terre de 1906.




La Cène, publicité de la marque Marithé François Girbaud, printemps-été 2005



Le jean pourrait-il dater du XVIIe siècle ? J’ai d’abord cru au canular commercial, au stratagème publicitaire, d’autant que Marithé et François Girbaud, stylistes spécialistes du jean – et des campagnes publicitaires choc, rappelez-vous leur détournement « féministe » de La Cène de Léonard de Vinci – sont partenaires de l’exposition. Ce couple de stylistes passionnés par le jean, dont le nom est associé à bien des inventions créatives sur cette matière, sont en marge de l’événement pour promouvoir leur nouvelle technique révolutionnaire de délavage par laser du denim, le WattWash



à g. : Femme mendiant avec deux enfants ; à dr. : Le Barbier
par le Maître de la toile de jean, actif en Italie du Nord à la fin du XVIIe siècle


C’est donc très sérieusement que Gerlinde Gruber, commissaire de l'exposition à la galerie Canesso, historienne de l'art, conservateur des peintures du XVIIe et du XVIIIe siècle hollandais au Kunsthistorisches Museum de Vienne (Autriche), pose la question. Elle a étudié pendant plusieurs années les toiles de l'anonyme « maître de la toile de jean », qui au XVIIe siècle en Italie peint des vêtements dont certains sont d'une étoffe bleue (d’un bleu plus ou moins profond) à la trame composée de fils blancs, la structure typique de la toile de Gênes (qui peut être bleue, mais aussi d'une autre couleur, mais c'est le bleu qui semble avoir fasciné le peintre). On voit dans les jupes des paysannes ou les vestes des mendiants un tissu indigo, cousu de blanc, dont les déchirures révèlent le tissage épais, qui ressemble ma foi fort au jean actuel.



Femme cousant avec deux enfants, par le Maître de la toile de jean, fin du XVIIe siècle





Femme cousant avec deux enfants (détail), par le Maître de la toile de jean, fin du XVIIe siècle


« Dans l'Italie de cette époque, ce tissu, produit à Gênes mais aussi à Milan, sert à fabriquer des vêtements destinés aux classes sociales les plus modestes » explique Gerlinde Gruber. « Pas cher et de bonne qualité, il s'exporte alors en dehors d'Italie ». On n’a bien sûr aujourd’hui aucun reste palpable des vêtements de ces mendiants et de ces paysans, portés jusqu'à l'extrême usure. Par ailleurs peu de documents écrits renseignent sur les exportations de cette toile robuste et épaisse d'Italie au XVIIe siècle, si ce n’est les comptes d’un tailleur anglais mentionnant cette provenance génoise.





Petit mendiant avec une part de tourte
par le Maître de la toile de jean, fin du XVIIe siècle photo 





Veste en jean imprimée au laser,
d’après le Petit mendiant avec une part de tourte du Maître de la toile de jean,
Marithé et Jean-Pierre Girbaud



Pour l’occasion, Marithé et Jean Pierre Girbaud ont imprimé au laser, selon le nouveau procédé WattWash, le portrait du Petit mendiant avec une part de tourte de l’ainsi donc désormais nommé « maître de la toile de jean » sur une veste en jean, redonnant en quelque sorte une nouvelle vie à ce portrait d’enfant réalisé il y a quatre cents ans.
Alors le jean est-il nîmois, génois ou américain ? Fondées ou pas, ces origines italiennes ? Pour ma part, quand on me raconte une belle histoire, de plus avec de si belles images, je ne demande qu’à y croire, cette fois c’est vraiment très réussi !

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